Je reviens de Bangui et ce que j'y ai vu m'a laissé complètement pantois : absence de rues praticables, chaussées abandonnées aux motos-taxis qui font la pluie et le beau temps en polluant énormément la ville, impolitesse caractérisée des Banguissois, miltaires (FACA) armés partout, policiers désoeuvrés et arnaqueurs ...et le petit peuple qui fait ce qu'il peut . Une impression désagréable d'absence totale de gouvernement et de normes . Les deux seules escortes quotidiennes du Président de la République, de celui de l'Assemblée Nationale et les nombreux véhicules de la Minusca qui embouteillent régulièrement la circulation ne peuvent tenir lieu de gouvernance .
Mais revenons au tébianisme, du Sango "Té biani" ou profit immédiat qui gangrène littéralement la société centrafricaine à une allure franchement inquiétante . Pour cela, commençons par l'aéroport international de Bangui M'Poko où les choses se sont empirées : les Centrafricains sont toujours les derniers à en sortir car ils sont les seuls à être soumis aux mesures tatillonnes . Un policier qui m'a entendu dire que je revenais à Bangui pour renouveler mon passeport périmé se rapproche derechef de moi pour me filer son numéro de téléphone : il connaît quelqu'un...
Je me suis extirpé en sueurs de la fournaise de l'aéroport à 9 heures du matin pour tomber sur un taximan qui accepte de me déposer à Bégoua . Pendant tout le trajet de l'aéroport à Bégoua, soit quinze à vingt minutes environ, je n'ai pas réussi à faire dire au taximan qui n'a pas de compteur, combien je lui dois . Il a toujours éludé mes questions . A l'arrivée, je lui tends vingt euros qu'il repousse : il veut trente euros que je lui donne pour me débarasser de lui et retrouver au plus vite les miens . Trente euros pour une course à Bangui , alors que la veille, une course en plein Paris m'a été facturée treize euros, cela place Bangui parmi les villes les plus chères ! Le reste est à l'avenant .
Un gérant de bar où j'ai offert du jus à mes neveux me fait revenir plusieurs fois sous prétexte qu'il n'avait pas de monnaie à me rendre .
Il n'y a pas d'essence dans les stations, mais des intermédiaires et des revendeurs vous grugent à dix mètres de la station en doublant ou en triplant le prix .
N'importe quelle page de document municipal de la mairie de Bangui est facturée 500 francs CFA . J'ai déposé huit pages de documents divers à 9 heures et la préposée m'a demandé de revenir les chercher à treize heures sans me délivrer de reçu . A l'heure dite, mes documents sont introuvables : 4000 francs CFA envolés ! Cela ne suffit-il pas à démontrer à suffisance comme on dit sur les bords de l'Oubangui la philosophie suicidaire du "Tébianisme" ?
Encore un exemple comme un dernier verre pour la route : une policière municipale m'indique une banque et se propose même de m'accompagner jusque devant la banque, soit deux cents mètres à vol d'oiseau . Je lui glisse 2000 francs CFA ( le prix de deux bières ) pour la remercier : vous auriez dû aller jusqu'à 5000 francs, me dit-elle sans vergogne ...
Huit jours après mon arrivée à Bangui, j'ai dû repartir à l'aéroport prendre mes valises égarées par la compagnie aérienne entre Paris et Bangui . Devinez qui j'ai retrouvé ? Mon taximan "tébianiste" entouré d'une dizaine de ses collègues en train de deviser tranquillement . Alors je lui ai dit son fait relatif à un compatriote qui lui parlait Sango, devant tout le monde . Les autres m'ont fait remarquer qu'il était coutumier du fait et qu'il allait finir par leur gâter le métier . Sont-ils meilleurs que lui ? Je ne sais, mais ce qui est sûr, c'est qu'avec de telles pratiques, le Centrafrique va mal . Pourquoi les Centrafricains ne s'aiment-ils pas ?
Que l'esprit de nos ancêtres protège ce beau pays béni des dieux et si mal aimé et gouverné par les hommes !
Le 3 Octobre 2022
David KOULAYOM-MASSEYO .
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