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Cardinal Dieudonné Nzapalainga: «Le Sang A Assez Coulé Sur Le Sol Centrafricain»

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https://matinlibre.com/ Par Matin Libre Sur Oct 5, 2022

En Centrafrique, c’est la parole d’un homme de paix : le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, s’inquiète de la montée des discours de haine dans son pays, sur fond de bras de fer entre pouvoir et opposition autour de la révision constitutionnelle. Pour cet homme d’Église – qui fut, il y a une décennie, l’une des figures de la Plateforme des confessions religieuses de Centrafrique – pouvoir et opposition ont la responsabilité de faire retomber les tensions actuelles.

RFI : Ces derniers jours, vous avez dénoncé le retour des discours de haine en Centrafrique. Quel est le type de propos qu’on entend et qui vous alarme ?

Cardinal Dieudonné Nzapalainga : Les discours que j’entends où les gens disent : « il faut arrêter telle personne » ou bien encore « nous devons fracasser les jambes de telle personne ». Je dis non ! Nous avons une justice, nous avons le service de sécurité, s’il y a un problème, on doit les saisir. Mais si les groupes et les gens commencent à travers les réseaux sociaux, à travers les rues, à scander pour demander d’arrêter ou bien encore de tuer une personne ou de blesser une personne, je dis non ! Cette personne pense être au niveau des mots, mais ces mots peuvent nous conduire très loin. Il y a d’autres personnes qui n’ont pas de recul et qui risquent de s’engouffrer dans la brèche et passer à l’acte, où on va effectivement caillasser, effectivement tuer, effectivement blesser.

Vous avez été l’un des artisans de paix quand les esprits s’étaient réenflammés, il y a près de dix ans, à partir de 2013. Est-ce que vous voyez des similitudes entre ce qui s’est passé il y a environ dix ans et maintenant ?

Tout commence par les mots. Ce que nous avons vu dans le passé, où on commençait à traiter les autres comme des ennemis, et les ennemis devenus des réalités, on a considéré certains comme des diables et il fallait les éliminer. Le sang a assez coulé sur le sol centrafricain.

Qui prononce ce genre de propos incendiaires actuellement en Centrafrique ?

Nous avons beaucoup de gens qui pensent aimer ce pays, au nom de ce pays. Ils utilisent des propos qui ne rassemblent pas. Mais ce sont ces groupes-là, je demande aux uns et aux autres d’arrêter. J’interpelle l’ensemble de la classe politique, que ce soit l’opposition, que ce soient aussi ceux qui sont au gouvernement, tous, nous devons avoir un dénominateur commun qui s’appelle la République centrafricaine. Voilà pourquoi j’appelle le sursaut patriotique et à venir aimer ce pays.

Quel regard portez-vous, cardinal Nzapalainga, sur le processus de révision constitutionnelle qui a été engagé par le président Faustin-Archange Touadéra ?

Nous devons respecter ce qui est prévu par la loi pour le bien de ce pays. Pour arriver à cette démarche, il faut un Sénat, il faut que l’Assemblée se prononce. Le Sénat n’est pas encore là, l’Assemblée seule ne pourra pas suffire. Donc, nous pensons qu’il va falloir accepter de mettre en place le Sénat et après, on pourra faire les choses dans l’art. Mais je le dis en même temps, si la Cour constitutionnelle pense que la démarche que nous enclenchons ne cadre pas avec ce qui est prévu par les articles de la loi, nous devons avoir beaucoup d’humilité et nous incliner pour préserver une paix sociale et envisager un avenir heureux pour ce pays.

Comment peut-on sortir par le haut selon vous, cardinal, de ce bras de fer politico-juridique entre la majorité présidentielle et l’opposition ?

Tous, nous avons besoin de modestie. Quand on va engager le bras de fer et que nous aurons des drames, c’est le peuple qui va en pâtir. Donc, je pense que nous devons sans cesse, puisque les uns les autres parlent au nom de ce peuple-là, penser à son avenir. Les enfants doivent continuer à aller à l’école, nous devons reconstruire ce pays, et je crois que les défis sont énormes. Ces défis-là ne passent pas nécessairement par la Constitution. On peut les prendre à bras le corps pour commencer à y répondre. Nous avons comme l’impression que nous nous focalisons sur la Constitution, alors qu’au jour le jour, nous avons les inondations. Au jour le jour, nous avons la rentrée scolaire, les écoles qui manquent et les enseignants qui ne sont pas au rendez-vous. Voilà les grands défis. Que faisons-nous ?

rfi.fr

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